Street Photographie … art ou voyeurisme ?
En date du 27/01/2025Qu’est-ce que je recherche en faisant de la street photographie ? Pourquoi prendre en photo des inconnu(e)s ? Quel est le but profond de cette activité ? Est-ce de l’art photographique ou une forme de voyeurisme malsain ?
Ces questions cachent des sujets et des origines très variés, mais aussi des envies et sentiments très personnels.
Les bases
Quoi de mieux pour commencer à étudier un sujet que de partir d’une base commune : la définition de ce qu’est la “Photographie de Rue”. Allons sur Wikipédia …
“La photographie de rue (« Street Photography » en anglais) est une pratique de la photographie en extérieur, dont le sujet principal est une présence humaine, directe ou indirecte, dans des situations spontanées et dans des lieux publics comme la rue, les parcs, les plages ou les manifestations.”
Donc si on en croit la définition, la photo de gauche (ou haut) est de la Street Photo, celle de droite (ou bas), non.


Ensuite on peut lire :
“La photographie de rue est un concept fourre-tout, flou et mal défini, qui recoupe ceux de photographie documentaire, de photographie sociale et de photojournalisme.” […]
La photographie de rue et la photographie documentaire ont plusieurs points en commun, en particulier par leur capacité à capturer la vie quotidienne et à documenter la réalité sociale. D’ailleurs, au début, les photographes de rue tels que Lewis Hine ou Jacob Riis avaient avant tout une intention « informative et figurative » 2.
D’une part, la photographie de rue, souvent spontanée et non mise en scène, vise à saisir des moments éphémères dans les espaces publics, révélant ainsi la diversité humaine et les interactions sociales. Elle offre une perspective unique sur le monde moderne, avec un regard attentif aux détails du quotidien.
D’autre part, la photographie documentaire s’efforce de témoigner de l’histoire actuelle et d’aborder des problématiques sociales de manière plus structurée et narrative. Elle vise à informer, sensibiliser et provoquer une réflexion sur des sujets spécifiques, en adoptant une approche souvent plus engagée. […]
Ainsi, la photographie de rue agit comme un pont entre le documentaire et l’art, regroupant la créativité et la capacité à révéler des vérités humaines. Elle permet de brouiller les lignes entre l’observation artistique et l’engagement social

Bon, les bases sont posés.
Je ne pense pas personnellement être dans la “photographie documentaire”, tout simplement car aucun contexte, aucun engagement, aucune volonté de sensibilisation ne motive (pour l’instant) mes clichés. (même si, je pourrais rapidement rassembler une sélection autour des dérives éco-illogiques urbaines)
Ces bases énoncent un possible mélange entre “observation artistiques et engagement social” … mais ne parle en rien de voyeurisme.
Le voyeurisme est un terme à connotation morale et pénale, qui décrit un comportement ou une tendance « voyeuriste », c’est-à-dire basé sur l’attirance à observer l’intimité ou la nudité d’une personne ou d’un groupe de personnes dans des conditions particulières en cherchant à y éprouver une jouissance et/ou une excitation (délectation voyeuriste). Les pratiques voyeuristes peuvent prendre plusieurs formes, mais leur caractéristique principale est que le voyeur n’interagit pas directement avec son sujet, celui-ci ignorant souvent qu’il est observé. Le « voyeur » est souvent représenté observant la situation de loin, en regardant par une ouverture, un trou de serrure ou en utilisant des moyens techniques comme des jumelles, un miroir, une caméra, etc.
Un sujet lourd donc. Mais pourquoi est-ce que j’insiste pour opposer la notion d’art et de voyeurisme dans la pratique de la photographie de rue ?

Un sujet vieux comme … la photographie !
En cherchant un peu, je trouve assez facilement d’autres articles et vidéos qui en parlent.
Un de mes Youtubeur préféré sur le sujet, NicoDT, pratique beaucoup la photo de rue et nous incite à pratiquer souvent pour ne pas perdre la main.
En cherchant sur Google, je vois que ce débat est récurrent. On peut trouver un certain nombre de vidéos ou de podcasts. J’en ai sélectionné un notamment :
https://www.visions.photo/podcasts/episode-01

Une question de démarche
Il faut que la démarche du photographe soit claire … avec lui-même.
En regardant de plus prêt mes photos, on pourrait aisément me dire : “hé mec, t’es un gros voyeur … tu photographie beaucoup de jeunes femmes je trouve …”
Et il aura pas tord dans un sens. Proportionnellement, les photos que j’aime le plus, et celles que je fais le plus mettent en avant les femmes et la féminité.
La féminité est un vrai sujet de prédilection pour moi. J’ai photographié (en portrait notamment) un grand nombre de femmes, en essayant de mettre en avant la féminité sous toutes ses formes : c’est la chose que j’aime le plus en photographie. Donc oui je l’assume.
En street photographie, l’humain est au coeur de la photo. J’aime quand la féminité rentre dans le cadre, quand elle apparait comme une évidence et sublime l’image. Mais c’est rare et c’est pas vraiment ce qui ressort sur toutes mes photos. Mais j’essaye …

Encore une question de démarche
Le voyeuriste à pour démarche une forme d’excitation et de jouissance en voulant rentrer dans “l’intimité” de sa “victime”. Cette démarche s’exprime sous forme de fétichisme de l’image d’une personne (dans le cadre d’une expression voyeuriste photographique), en voulant en voir toujours plus pour assouvir un fantasme. Qu’il suive ou pas sa/ses victimes par la suite, il va utiliser ces images pour ressentir à nouveau cette excitation de l’interdit.
Souvent il garde ces photos pour lui. Mais il arrive qu’il les partages, mais plus souvent auprès de personnes qui ressentent la même attirance. Il est rare que ces photos deviennent “publique” et se mélangent à une pratique artistique plus large.

Encore et toujours une question de démarche
Le photographe de rue lui à une démarche principalement artistique. Certes, sa motivation peut être porté par des sujets de prédilection (le graphisme, l’architecture, les situations cocasses, la féminité, la masculinité, les inégalités sociales, l’amour …) mais le résultat de son travail fait forcement ressortir la variété de ce que la Street Photographie peut proposer autour de ses thèmes à lui.
Il faut donc que le photographe soit conscient de sa démarche, et soit à-même de pouvoir l’exprimer ou l’expliquer. Si on le sens vague ou fluet, alors il est fort à parier que sa démarche n’est pas clair, voir sert de prétexte à un autre dessein.

Et aussi une question de méthode
Je n’aime pas les méthodes “agressives”. Je préfère de loin la discrétion au dérangement.
Etre discret, ce n’est pas pour “voler” une image d’une personne et d’une situation, mais au contraire pour ne pas l’altérer, pour ne pas intervenir, pour ne pas déranger la/les personnes dans sa vie … mais pas que.
C’est aussi éviter les questions ou les réflexions à la “con” classique – en France surtout – quand on t’oppose de manière affirmative au ton agressif et accusateur le fameux “droit à l’image”.
Quand moi j’essaye de ne pas embeter les gens et de n’importuner personne, derriere je crain beaucoup cette violence verbale et systematique du “droit à l’image” … même si c’est dit en plaisantant, cela implique forcement un débat sur la question, qui prend souvent plus de 2 minutes à expliquer, provoquant souvent l’exaspération de la personne en question, plus que sa réelle compréhension.
Donc … au maximum .. j’évite la confrontation pour opter pour la discretion. Mais cette méthode à aussi son revers : celle de la qualité finale de la photographie.
Là ou je cadre comme je peux et aussi discrètement possible, pour des gens qui “jouent le jeu” je pourrais + facilement prendre le temps de soigner mon cadre et mon expression artistique.
D’autres photographe pourraient être plus à l’aise avec le fait d’approcher des gens. Je pense à NicoDT notamment. C’est aussi une question d’habitude et de charisme … la timidité n’aidant pas toujours à expliquer sa démarche aux autres.

En dehors de France … j’ai moins de soucis ni d’appréhension
J’ai tellement eu du mal à me mettre à la Street Photo en France. Vraiment.
Non pas que ce soit une question de langue. En effet, si en Espagne, quelqu’un t’alpague en te disant : “Oyé … no tienes derechos de hacer fotos de mi …”, c’est facile de répondre “No entiendo, soy Frances”.
Mais ce cas n’est jamais arrivé. Jamais. Ni en Italie, ni en Belgique, ni en Angleterre … Uniquement en France.
“Droit à l’image !” Grrrrrr je maudit ceux qui l’utilisent telle une phrase magique, mais en totale méconnaissance de ce qu’est le droit en la matière.

L’objet du délit 😉
J’ai vraiment pu reprendre de manière sereine la Street Photo, que depuis que j’ai le Sony RX100V. C’est un appareil petit, discret, silencieux, qui permet de shooter en regardant l’écran incliné, mais aussi avec un vrai viseur escamotable. Ceci couplé à un très bon AF rapide et un beau grand-angle bien ouvert .. Bref, une vraie perle.
Niveau méthodologie et matériel, j’avais écrit une petite Masterclass sur le sujet de la Street, dans le cadre des ateliers de l’association Etincelle Photo. Si vous souhaitez l’avoir, merci de me contacter.

Que dit le droit justement ?
Voici la page qui en parle le mieux : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32103
C’est donc une source officielle, et on peut voir qu’en effet, il est nécessaire d’avoir l’autorisation des personnes pour utiliser leurs images … à part dans ces cas suivant et sous 2 conditions :
“Toutefois le droit à l’image est limité par le droit à l’information, le droit à liberté d’expression et la liberté artistique et culturelle.
Ainsi, votre accord n’est pas nécessaire pour diffuser certaines images à condition que votre dignité soit respectée et votre image ne soit pas utilisée dans un but commercial.”
Et c’est dans ces dispositions que la “Photographie de rue” s’inscrit.

Pourquoi j’en parle maintenant, après quelques années de pratique ?
J’ai vu récemment le film Emilia Perez au cinéma.
Le sujet du film n’a rien à voir avec notre sujet du jour, mais j’ai particulièrement apprécié la musique et la chanson de la scène de fin (ou une foule dans la rue chante).
Après une nouvelle écoute, j’ai vu qu’a l’origine, c’était une chanson de Georges Brassens.
Après avoir écouté attentivement les paroles, un poème d’Antoine Pol, j’ai pu constater que ce que cela racontait, pouvait en partie illustrer ce que j’aime dans la street photographie.
Bien qu’on pourrait qualifier ces paroles aujourd’hui entre voyeurisme / stalking et simple admiration de ces femmes qu’on croise dans la rue, il n’empêche que ce sont des belles paroles empruntes de bienveillance et de profond sentiments sincères.
Mais cette dualité m’a donc fait questionner sur ma propre pratique photographique et sur mes intentions artistiques.

Alors, comment qualifier mes photos ?
Bon, il faut pas se mentir, tout est une question d’interprétation et de point de vue (et d’angle de vue).
Faire de la photo de rue provoque en moi du plaisir. Le plaisir de photographier, le plaisir de trouver des angles parfait et des situations intéressantes, voir exploitable dans un cadre d’expression d’idées plus particulières (comme dénoncer la pollution ou certains comportements humains). C’est être le témoin de son temps et pouvoir figer le présent afin de lui permettre de se projeter dans le futur, une forme de documentaire anthropologique. Est-ce de l’art ou du voyeurisme ?
Avoir comme sujets des personnages féminins, m’interresse particulièrement. En effet, la féminité est un sujet qui me plais et que j’aime mettre en avant. Il y a un vrai coté intimiste dans certains de mes clichés, sans pourtant rentrer dans l’intimité (selon mon interprétation). Je respecte les femmes et ce qu’elles représentent, et j’aime véritablement ce qui se dégage de leur féminité. Est-ce de l’art ou du voyeurisme ?
Ces photos sont pour la plupart volés, souvent sans consentement même indirect (un regard approbateur). Souvent prises en toute discrétion, ces images ne cherchent pas à vouloir piéger les gens, ni à montrer des choses qu’ils n’aimeraient pas voir ou montrer en public. Je ne fais que capturer une/des image/s montré/s publiquement sans chercher à voir plus. J’aime également la spontanéité du moment présent, fugace et éphémère. Est-ce de l’art ou du voyeurisme ?
Enfin, et j’en ai pas encore parlé dans cet article, j’aime les photos graphiques, souvent au grand angle, cherchant les lignes fortes, les diagonales, l’architecture, les formes et les cadres originaux. Mon père me disait souvent qu’une photo exempt de vie était beaucoup moins intéressante. J’aimais beaucoup la photo d’architecture au début. Mais avec lui, je me suis obligé à y mettre de la vie, attendre des passants, attendre un élément perturbateur. Depuis, l’élément perturbateur est devenu le sujet principal. Et j’aime que cet élément soit le plus beau et original possible. Il y a des beaux hommes, que je met aussi en avant. Il y a des belles personnes, âgés quelques fois, belles intérieurement aussi, ou des personnes en lien avec mon propos, mais il faut avouer que la beauté féminine n’a rien de comparable à mes yeux. Est-ce de l’art ou du voyeurisme ?
Pour ma part, il est clair je ne m’amuserais pas à m’exposer autant, ni à exposer ces clichés si ces derniers faisaient état d’une pratique douteuse et répréhensible. Donc pour moi c’est de l’art. Mais je conçoit que la frontière est mince.
J’aime la photo de rue (même si je n’ai pas un très bon niveau, et que mon travail mériterait un tri et des retouches plus aboutis) et j’aime la féminité dans ce qu’elle peut apporter dans certaines de mes images. et j’utilise une méthode qui consiste à capter des images de manière discrète mais sans malveillance ni arrière-pensés, mais toujours avec de l’appréhension de me voir opposer un “droit à l’image” de manière disproportionné.

Donc à vous de juger de mon travail en la matière.
Je vous invite donc à laisser un commentaire dans le Livre d’Or pour cela.
Et si vous souhaitez obtenir le lien vers la petite Masterclass sur les méthodes et outils pour la pratique de la Street Photo, merci de me contacter.